NDLR : comme l’original a été supprimé sur le forumcatholique.org, nous republions ici cette lettre en intégralité.
Compte-rendu rédigé par l’aumonier du 2ème REP au retour de sa mission en Afghanistan
Abbé B. Jullien de Pommerol
Padre du 2ème REP
Camp RAFFALLI
20260 Calvi
Rapport de fin de mission.
Du 11 janvier au 16 juillet 2010
Introduction :
Ce compte rendu est celui de la mission « PAMIR XVI ».
En plus du canevas donné pour le rapport, je souhaite exposer une somme de disfonctionnements importants qui ont conduit à des dérives graves et abouti à ce qui était connu là-bas comme « l’affaire du voile ».
Bien que n’influant pas directement sur mon sacerdoce et ma mission, cette affaire vint parasiter les relations avec une partie du commandement, au détriment des vivants et des morts que nous avons eus.
Ce n’est certes pas la chose à retenir de la mission, qui sur le plan spirituel fut fructueuse en bienfaits pour nombre de militaires, mais elle dénote un écart majeur entre la troupe et le commandement. Ce qui est préoccupant, j’y reviendrai.
1. Mise en route et définition de la mission :
– Mise en route :
• Conditions de départ, préparation de la mission.
J’ai pu participer à la préparation de la mission avec le régiment lors des séjours à Mailly le camp et à Sissonnes. Vu que j’étais « nouvel arrivant » dans cette unité, cela fut aussi l’occasion de la découvrir.
En revanche, le REP m’a fait comprendre dès le départ que le poste d’aumônier n’est pas, selon eux, un poste à consignes opérationnelles, et que, de ce fait, je n’étais pas prioritaire pour les V.A.M.
C’est dommage car il est opportun de pouvoir croiser au moins quelques heures son prédécesseur.
• Passage de consignes :
Néant. Je n’ai pas pu croiser l’abbé Favriaux, mon prédécesseur, qui a eu, de son coté, la gentillesse de me laisser un mot.
Mission :
• Présentation des unités en place :
Le G .T.I.A. (groupement tactique inter armes), ALTOR, était composé de 3 compagnies du REP, plus l’état major, plus un escadron du 1er RHP, plus une compagnie du 17ème RGP, plus une compagnie du 35ème RAP, plus des extérieurs.
• Effectifs :
Il y avait en gros 1000 français.
• Spécificités :
Ma mission était d’être l’aumônier des forces françaises sur plusieurs bases, essentiellement la FOB (forward operational base) TORA, les COP (combat out post) Hutnik, Rocco, 42, 51, et différents postes où se trouvaient parfois moins d’une dizaine de français travaillant avec les afghans.
2. La vie dans les emprises.
– Les moyens :
• Etat des lieux, lieu de culte.
Le parcours pour l’obtention de la chapelle telle qu’elle est aujourd’hui fut assez difficile.
La chapelle est en fait un ancien bunker construit par les russes.
Quand je suis arrivé, le bunker, composé de deux pièces, servait à la fois de chapelle, pour la première pièce, et de sacristie-chambre pour la deuxième. Le problème est que c’était très petit. On pouvait rentrer à 12, ce qui était très insuffisant. En effet nous étions une dizaine tous les matins à la messe de 7h00, donc le dimanche, c’était impossible. Je célébrais la messe dominicale dans une grande tente « Bachmann » réservée à la messe, me disait-on, et pour entreposer les corps en cas de coup dur faisant beaucoup de victimes.
Tout cela a duré pendant trois semaines, jusqu’à ce que j’aille visiter une des compagnies basée à quelques heures de piste de notre base. Je devais partir 48 heures, mais les intempéries ont bloqué les routes, et j’y suis donc resté 10 jours. Pendant ces 10 jours de pluie et de neige, la chapelle a pris l’eau, 40 cm d’eau dans la chapelle et dans la sacristie-chambre.
Le matériel a alors été évacué dans une pièce, qui, à mon retour, servit de chapelle.
J’y ai célébré la messe pendant plusieurs semaines. Mais la pièce était encore trop petite pour le dimanche.
Le problème, est que la tente « Bachmann » servait aussi depuis à faire dormir du monde, à des cocktails, des diners etc.
Je trouvais que cela n’était pas digne d’y célébrer la messe.
Dans une base, un lieu spécifique est toujours prévu pour le Bon Dieu, et même, voire surtout ceux qui ne venaient pas s’étonnaient de me voir célébrer la messe dans ce lieu qui n’avait rien de sacré et tout de profane.
Il ne faudrait surtout pas croire que je demandais quelque chose d’extraordinaire pendant que la troupe aurait logé dans des trous de combat. Dans la base, nous en étions à améliorer le foyer, l’agrandir, construire une terrasse au soleil avec des parasols pour y prendre le café, étendre et climatiser la salle de musculation, bref, pendant ces travaux d’amélioration du confort, et non de première nécessité, il n’y avait pas de chapelle.
Ce qui étonnait aussi nombre de français sur la base, c’était que pendant que le système se désintéressait du problème de la chapelle, il se prenait de passion pour un vestige d’une ancienne mosquée, (un pan de mur délabré), qui était entretenu religieusement par nos chefs.
Le C2 y fit mettre du gravier, ratisser, délimiter avec des galets etc. bref un soin très appliqué à l’entretien de ce bout de ruine.
En somme, ils vénéraient le reste du mur de la mosquée et se moquaient éperdument de la chapelle…
Je me suis ouvert au chef de corps de cette préoccupation, expliquant que nous montrions au gens de ce pays que nous avions un grand respect pour un ancien lieu de culte qu’eux même avaient abandonné, pendant que nous délaissions complètement le notre.
Finalement, après deux mois de déboires et de bras-de-fer, après des travaux d’assainissement autour du bunker, l’ouverture du mur séparant la sacristie et la chapelle, nous avons pu célébrer la Cène du Jeudi Saint dans une nouvelle chapelle plus grande et définitive.
L’ambiance et l’état d’esprit dans la mission :
Un des points d’achoppement de la mission fut donc « l’affaire du voile ».
Il est important ici d’ouvrir une parenthèse, essentielle pour bien comprendre comment, après un quadrillage idéologique, spirituel et comportemental, tissé au fil de missions successives des forces françaises en Afghanistan, il a été possible d’en arriver à cette « affaire du voile » que j’aborderai après.
Je vais évoquer de multiples faits, un peu pêle-mêle, qui peuvent passer pour négligeables, mais qui aident à comprendre à la fois l’ambiance, et la méconnaissance, de notre part, du fonctionnement des afghans. Ces faits, un peu « en vrac », n’ont pas vraiment de liens entre eux si ce n’est la place toujours plus grande qui est faite à l’islam.
En faisant cette longue parenthèse, je réalise que je dépasse le cadre du simple compte rendu. Mais je le fais dans l’état d’esprit de cet aumônier de la première guerre mondiale qui, dans les tranchées, s’apprêtait, avec son régiment, à se lancer à l’assaut d’un petit bois. Cette position allemande avait été pilonnée par l’artillerie française, et il suffisait de réduire les dernières poches de résistance pour s’en emparer. Le problème est qu’en fait, la position n’avait pas été pilonnée, et qu’on voyait même des reflets de lune sur le canon des mitrailleuses qui défendait ce bois. L’heure de l’assaut approchant et le pilonnage n’arrivant pas, l’aumônier s’empressa de parcourir au pas de course la distance qui les séparait de l’état major, et, entrant dans le PC, s’adressa au général en lui demandant de reporter l’assaut qui allait être un désastre. Le général ayant eu confirmation que le bois avait été pilonné, refusa. L’aumônier quitta alors les lieux en disant « Adieu » au général, précisant qu’il serait le premier à sortir de la tranchée quand son régiment lancerait l’assaut. Lassé ou furieux, (ou peu être un peu des deux…), le général emboita le pas pour se rendre compte par lui-même de la situation.
Arrivant sur les lieux, il constata en effet que l’artillerie n’avait pas pilonné, et reporta l’assaut.
Ce que je veux dire à travers cet exemple, c’est qu’il y a des occasions où « fermer sa gueule », comme on dit en jargon militaire, est parfois coupable. Il me semble être dans une de ces situations. Il ne s’agit pas de « flinguer tout ce qui bouge », mais plus de sonner le tocsin.
Pour revenir à notre sujet, il y a en Afghanistan une volonté de l’armée française de créer un état d’esprit tout à fait déférent et bienveillant face à l’islam. Une crainte presque servile de déplaire à l’islam.
Les informations, consignes, et règles de vies qui nous sont données sont parsemées de détails visant à surtout respecter la république islamique d’Afghanistan dans ses coutumes et ses lois. Ces consignes ne seraient jamais données en France car elles choqueraient les mentalités. Mais sous le prétexte que « ils sont chez eux », nous assistions à une démission de l’intelligence, une trahison de l’esprit, un bannissement effrayant de la conscience.
En France, jamais ces mêmes personnes n’auraient eu l’idée de donner ces consignes, car, pour faire court, ce n’est pas une bonne chose.
Mais si ce n’est pas une bonne chose ici, pourquoi le serait-ce là-bas ?
Ce qui est mauvais ici devient bon 7000km plus loin ?
Et toujours ce même argument sans cesse avancé : « ils sont chez eux ». Cette base à toute discussion venait interdire totalement et définitivement la possibilité d’évaluer la pertinence, le bien fondé, la valeur morale ou même la perniciosité de certains usages des habitants de ce pays, et nous obligeait à les regarder de manière neutre, voire bienveillante, puisque nous devions y souscrire en ayant une conduite conforme à ces usages.
Et cela en chassant toute autre référence de nos esprits, de façon à ne pas interférer avec ce fameux respect de l’islam.
L’aboutissement de tels comportements s’apparentait beaucoup, chez certains, au « syndrome de Stockholm ».
Me désolant, lors d’une patrouille, de voir une fillette de 10 ans accompagnée de son mari qui devait en avoir 50, j’eu comme réponse le fameux argument : « Ils sont chez eux ». « Et la pauvre gamine… » Répliquais-je… « Ils sont chez eux ».
Or jamais cette personne ne m’aurait répondu cela en « temps normal ».
Mais, l’esprit embourbé dans l’obligation impérative de respecter la république islamique d’Afghanistan, ses coutumes et ses lois, elle s’interdisait toute critique et toute opinion… et tant pis pour la gamine donc…
Il est évident que cette personne était choquée de voir cela, mais, la conscience reformatée pour les 6 mois de mission, elle ne s’autorisait pas un jugement sur ce que le bon sens commun appelle d’ailleurs de la pédophilie.
Une autre fois, ce fut une mère de famille, à terre, massacrée à coup de pieds par son mari devant leurs enfants, (les petits garçons seulement), qui poussaient des cris de joie à chaque fois que le coup portait à la tête. Evoquant le soir à table cet épisode qui avait marqué plus d’un soldat assistant à la scène, toujours cette même réponse, cette fois un peu désabusée : « Ho écoutez Padre… Ils sont chez eux… »
Ces comportements, qui en France seraient qualifiés de « non-assistance à personne en danger », sont le résultat de ces fameuses consignes, mais aussi du comportement de certains chefs qui obligent, par la conformité due à l’exemplarité instituée du chef, à un certain mimétisme, voir à une surenchère, et cela jusque dans les détails.
Ainsi, avant de partir, nous avons même eu un intervenant venu de paris jusqu’à Calvi, pour nous briefer encore une fois sur la mission et les usages, qui nous informa entre autres choses, qu’il ne fallait pas uriner ni cracher en direction de la Mecque.
Les faits et les consignes là-bas :
– Les militaires féminins devaient avoir les bras couverts sur le terrain. (écrit dans les règles à observer. Imaginons la même règlementation en France…).
– Quand un pot avait lieu avec des afghans, on préparait soigneusement un coin sans bières et sans porc, (alors que ces mêmes afghans lors de ces pots, non seulement buvaient beaucoup de bière, mais en plus en emportaient aussi beaucoup, s’en remplissant les poches).
– à Tora, une immense caisse à sable, servant à visualiser les opérations sur une maquette en relief construite dans le sable, fut fabriquée et posée à quelques mètres du reste du mur de l’ancienne mosquée évoqué plus haut. Ordre fut donné de démonter cette caisse, et de la déplacer à quelques mètres de là pour ne pas qu’elle ait l’air d’être trop proche du fameux mur en ruine. Motif : « on ne veut pas d’ennuis avec les gens ».
– Dans le cadre des actions « cimic », (actions humanitaires menées par l’armée française), des tapis de prière sont distribués dans les villages. (Si les français savaient que leurs impôts servent aussi à cela).
– Un caporal chef de la légion, d’origine afghane, travaillant avec les cimic, chargé du contact avec les populations, commençait traditionnellement son discours dans les villages, avant la distribution en disant : « moi je suis musulman, nous sommes avec vous… » Etonnant de voir que l’armée républicaine et laïque se présente avec un « moi je suis musulman… »
– Ce même caporal chef fit aussi l’appel à la prière au micro des afghans au cop Rocco, cop français où le petit détachement afghan avait installé une sono pour les appels à la prière. Ces sonos dans les villages servaient aussi à psalmodier des versets du coran demandant la mort des infidèles quand nous passions à proximité.
– Comme consigne dans les rencontres avec les afghans : ne pas parler des femmes, ne pas regarder les femmes, ne pas parler aux femmes. (Imaginons la même règlementation en France).
– Pendant le ramadan, des consignes très strictes sur le fait de ne pas manger, boire, ou fumer devant des musulmans, (afghans ou non…), sont données par écrit. (Imaginons la même règlementation en France).
– Quelques temps avant l’arrivée de notre mandat, un accrochage dans la green zone avec une riposte au mortier avait causé des dommages parmi le bétail local, à savoir vaches et moutons. L’ancien chef de corps avait promis que cela serait réparer par le dédommagent financier, et nous eûmes donc à distribuer les quelques 8000 euros aux habitants de cette zone.
Or, cela est un signe de faiblesse pour les afghans. Ce peuple se bat depuis des générations et ne comprend que la loi du plus fort. Nos chefs militaires et politiques ont écrit que la victoire ne serait pas militaire. La conclusion des afghans est que nous avons donc perdu militairement. Nous sommes des vaincus. Et parallèlement, nous essayons, dans leur vision, de les acheter, ou d’acheter la paix, à coup d’euros, ou de ponts, de routes, d’écoles, de couvertures, de tracteurs etc. Ils nous dénigrent comme vaincus, et nous méprisent comme corrupteurs. De plus, loin d’avoir la moindre gratitude devant tant de générosité, ils considèrent cela comme des prises de guerre.
– Toujours à propos du chef de corps de la Task force précédente, un film diffusé à la télévision française, (visible sur internet), le montre arrivant à une choura, (une réunion des anciens et des dignitaires locaux), qui commence par la prière musulmane, menée par le chef de l’ANA (armée nationale afghane). Tout le monde est assis en tailleur, et la prière musulmane commence avec un mouvement d’ouverture des mains puis se poursuit avec les paroles rituelles. On voit sur le film le chef de corps qui ouvre les mains, ainsi que, voyant son chef le faire, son assistant derrière lui. Cette démarche est grave, car cela s’appelle de l’apostasie. Comme la chapelle était négligée en son temps à Tora, là c’est la foi catholique, qu’on sait être celle de ce militaire, qui est battue en brèche. C’est encore un signe de faiblesse qui vient cautionner la religion des gens de ce pays, religion qui leur demande de lutter contre nous.
– Après cette prière, lors de son discours, ce colonel affirme aux habitants du village de Sper Kundai, qui se trouve au pied de la montagne sur laquelle 10 soldats français sont morts en 2008, qu’il sait que ce ne sont pas les habitants de leur village qui ont tiré sur les français. (ha bon…) A la fin, lors de son départ, un de ses subordonnés vient le voir pour l’informer que la police afghane souhaite fouiller différents lieux du village où se trouveraient des armes. Là le colonel refuse en disant que cela irait contre ce qu’il vient de dire aux habitants. (ha tiens…) Ce comportement est du pain béni pour les afghans, qui nous mentent, nous volent, nous tuent, et trouvent en face un angélisme béat qui préfère croire aux discours officiels inadaptés à la situation plutôt que de reconnaitre la réalité. Le colonel précise que si c’est pour trouver 5 ou 6 obus de mortier, on s’en fout.
– Pour une fois que la police afghane voulait bosser…
Car en effet, il faut aussi savoir qu’une enquête, effectuée par l’inspecteur général pour la reconstruction de l’Afghanistan, Arnold Fields, et publié dans un rapport officiel américain il y a quelques mois, affirme que : « A l’heure actuelle, nous ne connaissons pas vraiment le niveau de compétence des forces de sécurité afghanes ».
L’équipe d’évaluation précise que « Dès que nous aurons tourné le dos, l’ANP (la police afghane) cessera de faire ce que nous lui demandons de faire », et que « les soldats afghans ont tendance à régresser, même lorsqu’ils ont été bien notés par leurs mentors américains. »
De plus, le rapport précise que « les formateurs, débordés et quelquefois eux-mêmes mal formés, déplorent la corruption et l’usage de la drogue parmi les militaires afghans ». Enfin le rapport évoque les exemples de siphonage de l’essence par des policiers, de vols d’armes, d’extorsion de fonds aux points de contrôle, etc.
Qu’à cela ne tienne.
Quand une OAP (opération aéroportée) fut programmée par notre task force, nécessitant l’accord d’un général américain, le briefing qui lui fut fait à Tora encensait les troupes afghanes, leur attribuant quasiment toutes les vertus et l’excellence du comportement de très bons soldats. (J’espère que le général n’avait pas lu le rapport en question…)
De manière plus précise, il m’est arrivé d’assister à de nombreuses scènes, où des soldats de l’ANA étaient soit ivres, soit complètement drogués.
Lors d’une patrouille, alors que j’étais moi-même sur sa base, un lieutenant du 1er RHP a même été mis en joue au PKM par un soldat de l’ANA, hurlant de colère sous le coup de l’alcool et de la drogue, à quelques mètres de lui. Il ne dut son salut qu’à l’intervention d’autres soldats de l’ANA qui plaquèrent leur camarade au sol.
D’une manière plus générale, beaucoup de « manip » étaient soit annulées soit très modifiées car les soldats de l’ANA avaient soit trop chaud, soit trop froid, soit faim, soit il allait pleuvoir, ou faire nuit, ou ils ne voulaient pas passer la nuit sur le terrain, (quand les français y dormaient, eux), ou ils n’avaient pas assez dormi, ou pas assez récupéré, ou pas pris leur petit déjeuner, etc. Je peux étayer chacun de ces cas, chacun.
Alors, qu’on ne fasse pas étalage de tout cela au général américain, soit, mais qu’on lui mente effrontément pour mieux plaire et faire croire que le système fonctionne… Cela dépasse l’entendement.
Et sachez bien que la troupe avait conscience de tout cela. La preuve, ce fut la réaction des légionnaires, abasourdis, quand, lors de son allocution durant le pot suivant le TOA, (transfert of authority), le CDC de notre task force évoqua, tout sourire, la « légendaire hospitalité orientale dont nous avons bénéficié de la part de la population afghane durant ces mois passés ici ».
Les légionnaires après 6 mois de présence voyaient bien la réalité, et leur parler de « légendaire hospitalité orientale » les déconcertait.
J’eu comme commentaires des propos se rapportant à ceux du P. Delarue, aumônier en Algérie qui lors de l’enterrement de 11 légionnaires, le 15 novembre 1960 disait : « Vous êtes tombés au moment où, s’il faut en croire les discours, nous ne savons plus pour quoi nous mourons ! Daigne le Seigneur vous accorder le repos de ceux qui l’ont mérité, la lumière éternelle, sa paix. »
« Nous ne savons plus ici pourquoi l’on meurt… »
Ces propos, bien que reflétant l’état d’esprit des troupes qui voient mourir leurs camarades pendant que des mots élogieux sont sans cesse adressés à ceux qui aident, ou sont, l’ennemi, lui valurent le bannissement d’Algérie et des unités parachutistes.
Je ne veux citer ici qu’un seul de ces commentaires, mais qui reste douloureux dans ma mémoire, celui d’un caporal chef d’origine Bulgare, qui, après les mots du CDC, me glissa, les larmes aux yeux : « vous vous rendez compte Padre, après tout ce qu’on a vécu ici, entendre ça… ».
– Ces erreurs viennent aussi de la méconnaissance de notre part, des écrits sur lesquels se fondent les talibans pour nous combattre. Il suffit de lire le coran, la charia, pour comprendre la teneur du danger. Nous ne voulons pas le faire, nous retranchant derrière les sempiternels arguments de traduction, de versions ou d’interprétations pour refuser de se pencher sur les écrits. Un peu comme si on refusait d’évaluer la dangerosité du nazisme sous prétexte qu’on n’a pas lu Mein Kampf.
– Dans ce même village de Sper Kundai, j’eu l’occasion d’assister à l’intervention du chef de corps de notre Task Force, qui qualifia, durant un discours des plus bienveillants, de « culture estimable » les usages de ces gens. (quand vous voyez une petite fille se faire tabasser par son mari parce que c’est ce que demande dieu dans le coran à la sourate de la femme, vous vous dites que ce n’est pas si « estimable » que ça.)
– A Tora, nous avions aussi « radio surobi », une radio payée par la France, et qui diffuse des programmes en afghan uniquement, avec les appels à la prière pour les musulmans.
– Un autre épisode douloureux, très douloureux, touche aux dernières volontés de soldats français, bafouées par l’autorité. Lors de l’enterrement du caporal Hutnik, le premier mort de notre Task Force, de nombreux maleks et autres dignitaires locaux étaient présents à la prise d’armes. Tous sont restés assis, discutant et plaisantant durant la cérémonie. A la fin de la prise d’armes, plusieurs personnes, et sous officiers sont venu me voir pour « me confier une mission », me disaient-ils. « Padre, si on meurt ici, on ne veut pas de ces gens à notre enterrement, notre vie on la donne à la légion, mais notre mort c’est entre nous. »
Ils me précisaient que le dernier moment, le dernier adieu, devait se passer au milieu de leurs frères d’arme, pour être porté, salué, pleuré par eux, mais qu’il ne fallait pas de spectateurs « comme ces gens qui ont discuté et rigolé entre eux pendant qu’on était triste. »
Parmi eux se trouvait le sergent Ryguiel. Ce sergent meurt quelques semaines plus tard lors d’une attaque de talibans.
Immédiatement, alors que je suis encore devant son corps sur le terrain, des légionnaires viennent me voir, et me disent « Padre, il ne voulait pas d’afghans à son enterrement, il ne faut pas qu’ils soient là pour la prise d’armes. » Tout l’après-midi ils viennent me voir, les uns en leur nom, les autres en son nom, les troisièmes au nom de leur section, au nom des polonais, bref, une attente réelle.
Je vais donc voir le CDC qui me dit qu’on ne peut répondre à pareil demande, car il ne veut pas prendre le risque de perdre les « avantages acquis avec cette population depuis tant d’années de présence de l’armée française », et qu’il ne veut pas interdire à ceux qui veulent s’unir à notre deuil de participer à la cérémonie.
Les gars étaient dégoûtés.
Mais pas seulement de voir le non respect des dernières volontés. Aussi à cause des arguments.
En effet, à l’évocation des « avantages acquis avec cette population », un adjudant demanda « lesquels ? »
Il faut savoir que la veille de la mort de Ryguiel avait eu lieu la fameuse distribution des 8000 euros évoquée ci-dessus ; le lendemain matin, une « action médicale gratuite » était organisée toujours pour les habitants de cette même zone.
L’après midi de ce même jour, durant une opération menée dans cette zone, les GCP embusqués, (les commandos du régiment desquels faisait partie Ryguiel), furent repérés par des enfants et contraints de changer de place pour ne pas être pris pour cible par les insurgés. Après s’être repositionnés, ils furent de nouveau repérés par des enfants partis à leur recherche, et leurs positions furent donc donnés aux insurgés qui montèrent leur attaque durant laquelle Ryguiel mourut.
Toujours dans cette zone, il est intéressant de savoir que généralement, quand les talibans se déplacent d’un point A à un point B, ils le font tranquillement, sans armes, donc sans danger qu’on leur tire dessus, puisqu’ils ne sont pas armés, cela pendant que des enfants cavalent derrière avec l’armement et les munitions. Les femmes, comme les enfants, sont aussi mises à contribution, notamment dans le domaine du renseignement, où, en toute impunité, elles observent les effectifs, les véhicules, l’armement et les positions pour rendre compte ensuite et renseigner les talibans.
Heureusement donc qu’il y a des avantages acquis avec ces populations, sinon, qu’est-ce que ce serait… (Pour la petite histoire, quand le ministre de la défense vint en Afghanistan, il félicita le détachement pour l’excellence de son travail et l’absence de dégâts collatéraux, car, expliqua-t-il, « la vie d’une femme ou d’un enfant est sacré, c’est l’innocence même. » Cela passa assez mal auprès de ceux qui savaient ce qui s’était passé, qui se demandaient si le ministre lisait de temps en temps les rapports…)
Le lendemain de la mort de Ryguiel, une choura, planifiée à l’avance, était maintenue et organisée dans cette même zone pour discuter d’un mur « anti-crues » promis par la coalition. Sur le chemin, deux IED (mines) furent détectés et neutralisés. Pendant la choura, au malek qui s’étonnait de l’absence de travaux qui auraient dû commencer, le colonel répliqua que les travaux ne commenceraient pas tant qu’il y aurait autant d’insécurité dans la zone. Le malek concerné répondit qu’il nous assurait que durant les travaux les forces ne risqueraient strictement rien…
Je me suis dit que c’était étonnant de voir le pouvoir qu’avait cet homme sur la zone au point de nous certifier que le danger cesserait… serait-il de mèche avec ceux qui nous tirent dessus ? Ou bien ne serait-ce pas lui-même qui nous tire dessus ? Mais ces questions n’étant pas politiquement correctes…je me suis dit qu’il valait donc mieux penser aux « avantages acquis ».
Pour ce qui est du deuxième argument, « la volonté de s’unir à notre deuil », ce fut grandiose. En guise d’union à notre deuil, la moitié des afghans est arrivée en retard à la prise d’armes, et l’autre moitié est allé directement à l’ordinaire pour s’assoir devant les portes en attendant que ça ouvre pour le pot qui suivait la prise d’armes, afin donc de boire des bières jusqu’à plus soif et d’en emporter autant que leurs poches le leur permettaient.
Pour en revenir aux dernières volontés, je ne peux m’empêcher de penser à celles que le général Bigeard a formulé : répandre ses cendres sur Dien Bien Phu, et cela, en plus du souhait d’être réuni à ses frères d’arme, pour emmerder la France et le Vietnam. Le ministre de la défense à dit que ses intentions seraient respectées. Heureux général de 94 ans, mort paisiblement, qui voit ses dernières volontés appliquées, quand un jeune sergent tombé au feu se voit imposer les ricanements de ceux-là même qui ont participé de près ou de loin à sa mort.
Les mêmes requêtes me furent faites de la part d’autres militaires après l’enterrement de Ryguiel, pour demander qu’il n’y ait pas d’afghans s’ils mourraient… je leur ai expliqué que ce n’était pas possible, ils étaient écœurés. Cela me fut encore demandé par des Hussards du 1er RHP à la mort d’un brigadier chef, là encore…bref.
Ces refus du système, non seulement bafouent la volonté du défunt, mais aussi scandalisent la troupe, qui connait les agissements de nombreux afghans présents dans les rangs d’officiels, et sait que beaucoup d’entre eux travaillent avec les talibans.
Leur interdire l’accès à la prise d’armes aurait pu être, selon certains légionnaires et hussards, l’occasion de faire comprendre à ces gens que nous ne sommes pas dupes. Sur le terrain nous donnons, construisons, finançons, aidons etc. tout cela avec bienveillance et sourire, pendant qu’eux, trichent, volent, mentent, truandent, tuent, et nous prennent pour des moins que rien.
Ainsi, ne pas les accepter à l’enterrement, leur aurait montré qu’il y a des limites, et que nous ne voulons pas d’eux, qui coopèrent, avec femmes et enfants, au combat mené contre nous.
A l’inverse, leur présence était ressentie par beaucoup comme la démarche de gens qui « vont au bilan » après un tir, qui vont regarder le « tableau de chasse ».
Surtout que les afghans n’étaient pas seulement acceptés, mais bien sollicités, invités. Démarches à chaque fois choquantes pour les camarades.
D’autant que durant ces prises d’armes, le général qui passait les troupes en revue le faisait règlementairement en saluant comme il se doit devant les unités et les détachements, puis, passant devant les afghans, s’arrêtait, et s’inclinait légèrement en mettant sa main sur le cœur… Exotisme quand tu nous tiens… Pourquoi ne pas saluer avec le tranchant de la main à l’horizontal quand il passe devant le détachement américain…
Le CEMA fit de même quand, au COP Rocco il salua le capitaine afghan, d’abord réglementairement, puis lui serrant la main avant de la mettre sur le cœur…
Cela me rappelle la description faite des anglais et des français arrivant dans des terres lointaines. Quand les anglais arrivaient quelque part, au bout de 8 jours, les autochtones se mettaient en smoking le soir pour passer à table. Quand les français arrivaient quelque part, au bout de 8 jours ils se mettaient torse nu, en pagne et en tongs.
Cela pourrait être amusant si ce n’était si dramatique.
Ainsi donc, à force de vouloir s’adapter, d’en rajouter, de surenchérir dans l’asservissement à l’islam et le « cirage de babouches » comme disaient des légionnaires, nous en arrivons à l’affaire du voile.
Cet épisode s’inscrit, non pas dans le devoir du militaires d’observer les lois et les règlements, mais, comme beaucoup de faits évoqués ci-dessus, dans la volonté de s’ingénier à trouver sans cesse de nouvelles occasions de mieux s’engluer dans la soumission à l’islam en espérant plaire au système, et à des gens qui nous détestent.
Tout d’abord le rapport :
2ème REGIMENT ETRANGER DE PARACHUTISTES
A COP 46, le 23 mars 2010
RAPPORT
de l’Aumônier catholique Benoît Jullien de Pommerol
du Groupement Tactique Inter Armes SUROBI
Objet : atteinte à la liberté religieuse.
Le lundi 22 mars 2010, étant au COP 42, avec le PC de l’opération GREGALE, j’ai rencontré la sergent-chef Angélique REPAIN, avec la tête recouverte de son chèche, ne laissant paraître que l’ovale de son visage. Interloqué, je lui ai demandé pourquoi elle portait ainsi son chèche, « c’est un ordre » me répond-elle.
Estomaqué, je lui demande des précisions, et elle m’explique que le lieutenant-colonel MEUNIER, chef du BOI du 2éme REP, la voyant tête nue, (comme le sont tous les personnels du COP 42), lui a demandé de se couvrir, expliquant que cela choquait les afghans de la voir ainsi. Souriant en pensant à une plaisanterie, il lui précisa qu’il ne plaisantait pas.
Le voile en Afghanistan est une obligation religieuse, et les femmes afghanes musulmanes sont donc tenues de le porter. Le problème est que la sergent-chef REPAIN n’est pas une femme afghane musulmane, mais une soldate française, et qui plus est baptisée. Le fait d’imposer un usage de la religion musulmane à une personne qui n’est pas de cette religion et qui le refuse porte atteinte à sa liberté.
– Liberté religieuse, car elle est obligée par un ordre d’agir contre sa foi.
– Liberté de conscience, car, bien qu’estimant mauvais le fait d’imposer à des femmes le port d’un voile contre leur volonté, elle se voit forcée de cautionner et encourager cette pratique en montrant que même des militaires français l’imposent à leurs personnels féminins.
Il s’agit ici d’un viol de conscience, mêlé d’une infraction grave à la laïcité, ce qui enfreint également la déclaration universelle des droits de l’homme, et le principe de liberté cher à la république française.
Victime d’un ordre illégal, la Sch REPAIN a donc été obligée d’observer un usage avilissant : l’idée de la contrainte du voile , qui n’a rien à voir avec la tenue du militaire français, vient ici nier l’identité de la personne, lui interdisant d’exister à part entière, cachant contre son gré une partie de son être, réduisant l’individu à une portion de lui-même, bafouant sa dignité.
Plus grave, le pouvoir militaire vient s’immiscer dans le domaine religieux, imposant à des baptisées d’agir contre leurs convictions, (Ce cas n’est pas unique), ce que l’aumônier catholique condamne fermement, (même les animaux ne se voient pas imposer de voile).
En 2008, au camp de Warehouse, le chef des armées, le président Sarkozy affirmait sur la place d’armes que nous étions aussi là pour qu’un jour les femmes afghanes n’aient plus à porter la burka. Les personnels féminins qui viennent en mission peuvent donc espérer, dans un esprit de charité propre au christianisme, apporter leur contribution à cette libération. Cette lutte contre la terreur, qu’elle soit spirituelle ou armée, est un des points sur lesquels j’insiste quand des civils demandent l’intérêt de notre présence ici.
Or à l’inverse, des soldates se voient forcées de participer à une forme d’oppression, et à la subir. Ce n’est pas l’esprit de la mission.
Il serait souhaitable, ou bien, d’informer les militaires féminins avant leur départ qu’elles seront contraintes d’agir de la sorte, ou bien de condamner fermement ce qui est alors un abus de pouvoir et d’expliquer qu’il s’agit d’une grave erreur d’appréciation.
Signature.
En plus du rapport, le contexte est intéressant.
Tout d’abord, l’ordre a été donné en public, en présence de plusieurs membres du CO, l’un d’eux, amusé, lui a même dit « bonjour ma sœur ». Ce qui faisait rire des officiers du CO scandalisait la troupe.
Il faut aussi savoir qu’un autre lcl était allé voir la chef Repain pour lui expliquer pendant 20 min qu’en fait c’était plutôt une tradition et que ce n’était pas scandaleux, etc, et qu’en plus « ça vous va bien vous savez… »
Sinon, une fois le rapport écrit, j’ai tenu, bien que ce soit une infraction à la procédure, à ne pas rendre compte immédiatement à l’évêque, mais à essayer de gérer le problème sans risquer d’enquête de commandement.
Etant au COP 46, (combat out post du parallèle 46), et le lcl Meunier au COP 42 avec le pc, et ne pouvant le rencontrer, je l’ai donc appelé vers 14h, pour savoir si oui ou non il avait donné cet ordre. Il me répondit « ce n’est pas impossible que j’ai pu donner cet ordre… pourquoi ? » Je lui explique alors que c’est grave et que j’ai donc fait un rapport et que puisque le général vient sur cop 46 à 14h50, j’envisage de lui donner le rapport sur cet évènement qui commence à faire du bruit et que les gens répandent par téléphone ici et là, lui expliquant que je ne peux pas ne pas réagir, car tous s’interrogent sur ce que fait le padre, et pourquoi il ne réagit pas.
Il me répond : « écoutez… n’hésitez pas ». « Vous me confirmez que je donne au général le rapport sur votre ordre illégal ? » « Bon, me répond-il, passez me voir au cop 42, je vous fais récupérer dès que possible, nous en parlerons. »
Dans la foulée, le chef de corps arrive sur cop 46, et, au PC il reçoit un coup de téléphone du lcl Meunier. Alors qu’il sort, je viens à lui et l’informe que j’ai un souci majeur avec un ordre illégal du lcl Meunier. Le CDC, remettant immédiatement en cause la nature des faits avant même que les expose, refuse ensuite de prendre mon rapport et fait preuve d’un désintérêt total du sujet. Il finit par accepter l’enveloppe que je lui tends quand je lui évoque l’obligation que j’aurai de consigner dans les faits son refus de suivre la procédure. Mais il me précise qu’il ne lira le rapport qu’une fois rentré à Tora. (Le retour était prévu 4 jours après).
Je lui précise que je viens d’avoir le colonel Meunier au téléphone et que j’espère pouvoir gérer cela en interne, mais que, vu le scandale que cela suscite, je ne peux me taire. En conscience.
Je trouve donc une place dans un véhicule du convoi du CDC, et arrive en fin d’après-midi au cop 42.
Après le point de situation du soir, nous eûmes une brève discussion avec le lcl Meunier, qui se passa mal. Les faits furent relativisés, puis niés, ce qui mit un terme immédiat de ma part à l’entretien.
Plus tard, dans la nuit, après la lecture du rapport, il vînt me trouver pour me dire qu’il réalisait ce qui s’était passé, combien il déplorait tout cela, et s’excuserait directement auprès de la sous-officier publiquement humiliée, ainsi qu’au point de situation à Tora. Ce qu’il fit.
Mais la cause de ce genre de débordements étant la politique générale de l’ISAF en Afghanistan, il était impensable que ce fait prenne de l’ampleur. Tout fut donc étouffé.
Une véritable version mensongère fut même montée :
– On assura que sur le terrain une enquête DPSD avait été diligentée.
FAUX.
Ou alors quel est ce genre d’enquête dans laquelle les protagonistes ne sont pas auditionnés ? Jamais je n’ai été sollicité par les gens de la DPSD, et une seule des féminines l’a été.
– Il a ensuite été affirmé que la mesure n’était qu’exceptionnelle pour des circonstances précises et qu’elle n’avait pas pour valeur d’être généralisée ou prorogée.
FAUX.
La volonté de demander aux féminines de se couvrir sur le terrain était inscrite dans le RSI, (règlement de service intérieur).
Dans une première réaction, l’OSA, avait tenté d’enlever ce passage en expliquant au C2 l’erreur que constituait un tel ordre. Le C2 n’a pas pris en compte la remarque et a insisté pour que cela soit écrit. Ce passage a été supprimé avant publication officiel et à la suite du rapport, mais l’idée était bien là. (Et elle est toujours là, j’y reviens plus loin.)
De plus, l’ordre de se couvrir a été donné dans un COP, pour l’un des cas, et lors d’une aide médicale sur le terrain pour un autre cas. Donc aussi bien à l’intérieur d’une base qu’à l’extérieur. Je ne soulève que deux cas, mais il faut savoir qu’il n’y avait que deux féminines sur le terrain…
– Il a ensuite été affirmé que le commandement local avait par ailleurs bien compris l’importance de la chose.
FAUX.
Si de son coté, le lcl Meunier s’est excusé publiquement et personnellement auprès du sous officier féminin, le commandement local a persisté, puisque le chef de corps a expliqué à la sergent-chef, « qu’en fait, finalement, vu qu’on est en pays musulman, ce n’est pas plus mal que vous soyez voilée, entre nous… »
Elle-même était sidérée de voir les deux discours, l’un officiel, l’autre devant elle.
Le chef de corps m’a lui-même affirmé, là aussi en tête à tête qu’au moins, « avec la tête couverte, c’était une tenue décente ».
Vous imaginez aisément, au terme de tout cela, combien des distances furent prises par certains à mon égard, et parallèlement, combien je devins héroïque aux yeux d’autres. Les deux réactions me navraient pareillement.
Dans cette ambiance déplorable, l’aumônier musulman voulu me rencontrer pour m’informer qu’il s’était plaint aux autorités militaires de mes critiques contre les musulmans. J’ai discuté avec lui pendant 2 heures, en présence du pasteur protestant gagné à la cause musulmane, et nous avons conclu qu’en aucun cas je n’avais critiqué de musulmans, mais juste expliqué l’islam aux gens qui me le demandaient. Pas une fois le musulman ne m’a contredit sur ce que je lui évoquais des horreurs et des comportements inadmissibles demandés dans le coran. Mais cet homme, idéologue de première, ne serrant pas la main des femmes, (jusqu’à ce qu’un caporal chef lui refuse une poignée de main expliquant : « vous ne serrez pas la main des femmes, je ne sers pas la main des musulmans », là il changea. Et lors d’un pot, une féminine lui demanda pourquoi c’était « une fois oui- une fois non », il répliqua « je vous sers la main quand j’ai envie de vous serrer la main… » Quand je pense que ce sont des modérés… hé bin mes aïeux…), estimant juste que les femmes musulmanes soient voilées et tant d’autres choses encore, a bien compris qu’en criant au racisme et à l’islamophobie il obtiendrait ce qu’il voudrait des chefs. Là encore, ça marche. Ecœurant.
A la fin de l’évocation de tous ces problèmes, je ne peux m’empêcher de relayer un court passage d’une intervention du Pape Benoit XVI, il y a quelques jours lors de la visite des évêques du Brésil où il évoque : « la vision erronée d’un œcuménisme portant à l’indifférenciation doctrinale, laquelle conduit à un irénisme acritique où toutes les opinions constituent un relativisme ecclésiologique. » (Discours aux évêques brésiliens en visite ad limina, le 10 sept 2010)
Il ne s’agit pas ici à proprement parler d’œcuménisme avec les musulmans, mais l’idée est bien là de raboter notre foi notre doctrine et nos usages pour faire une place à autre chose, fut-il mauvais et dangereux, pour espérer se faire apprécier par des gens qui doivent répandre leur foi par les armes, comme l’évoquait le Pape dans son discours à Ratisbonne.
Ce glissement se voit aussi dans un article Publié le 29/08/2010 dans le journal de Saône et Loire, où un aumônier militaire catholique de retour d’Afghanistan affirme à propos des gens sur place : « Peu importe que je sois catholique et qu’ils soient musulmans, il y a quelque chose qui nous unit, une sorte d’espérance réciproque. »
Ce syncrétisme est dans la droite ligne du « In God we trust » (nous croyons en Dieu) inscrit sur le dollar américain. Peu importe qui est Dieu, qu’il soit allah, jéhova, vishnou, Jésus, Yahve, ou qui vous voulez, tout se vaut et inversement.
On comprend mieux qu’on puisse arriver à l’affaire du voile car, si la règle est d’observer les coutumes religieuses des gens chez lesquels nous nous trouvons, alors le voile devient une chose normale à demander, voire à imposer à nos personnels.
Le problème est que si nous respectons les coutumes de ce pays, il faut les respecter totalement, et nous devons, par exemple, payer l’impôt du dhimmi (du non musulman en pays musulman) ou encore nous laisser asservir et tant d’autre réjouissances…
Quant à « l’espérance réciproque », ne nous y trompons pas, elle est d’un coté de voir ces gens heureux et en paix, et de l’autre, de nous voir musulmans ou morts.
Pendant ce temps, la troupe est bien consciente de tout cela, et si la mission reste sacrée et le sens du devoir intact, elle n’est pas dupe de la soumission et de la compromission permanente du système.
En conclusion, comment aurais-je pu ne pas réagir à « l’affaire du voile »…
• Moyens matériels :
Dans cette mission l’aumônier n’a pas de moyen de transport particulier.
Les déplacements se faisaient dans les convois qui assuraient les jonctions entre les différentes bases. J’ai toujours trouvé une place à chaque fois que cela fut nécessaire.
Il y a aussi un téléphone portable qui permet d’être joint en cas d’urgence.
Internet est accessible et gratuit, pour le moment, mais très peu de postes et débit très faible.
Sinon, la chambre, individuelle, sert aussi de bureau et de lieu pour accueillir les personnes.
– Relation avec le commandement :
Les relations furent bonnes, à l’exception d’évènements divers, où j’ai eu à m’accrocher avec certains, notamment le CDC, le C2 ou le CBOI. Parfois de manière très vive.
– Relations avec les personnels :
A part pour ce que je viens d’évoquer, les relations furent excellentes.
J’ai aussi eu l’occasion de travailler avec la colonel Collas, médecin psychiatre à Percy à Paris, et je fus très heureux de notre collaboration.
Ce ne fut pas la même chose avec les gens de la Cispat, travail beaucoup plus superficiel et artisanal.
Ce n’est pas l’objet du rapport, mais le « sas » de décompression à chypre mériterait aussi d’être évoqué tant des maladresses y sont commises à l’égard des gens sensés décompresser.
• Moral des troupes :
Bon, mais agacé par l’asservissement du système à l’islam, ayant toujours l’impression de se faire avoir par une population « pourrie-gâtée » qui continuent pourtant à la détester malgré les milliards dépensés pour elle depuis tant d’années. Un seul exemple, vécu par beaucoup, celui des cadeaux donnés à des enfants qui dans la foulée, le cadeau encore dans la main, vous balancent des pierres avec leur main libre quand le convoi rentre à la base.
– Difficultés rencontrées :
Rien de plus que ce que j’évoque dans le reste du rapport, (ce qui est déjà pas mal).
3. La vie en aumônerie.
– Relations, contacts avec des confères ou des responsables religieux locaux.
Pour ce qui est des responsables religieux locaux, « no comment », et pour ce qui est des contacts avec les confrères, ils furent possible avec l’aumônier de Kaboul, et seulement avec lui compte tenu de l’extrême difficulté de mouvements. Bons contacts et complémentarité dans les coups durs.
– Célébrations :
J’avais une messe quotidienne, en semaine à 7h00, avec une dizaine de personnes, et le dimanche à 11h30, avec un effectif variable en fonction des missions. Jamais je n’eu à célébrer la messe sans paroissiens. Le vendredi chapelet à 12h, (en communion avec les épouses qui le disaient au même moment, c’est-à-dire 9h00 en France).
Quand j’étais dans les camps de ma zone, j’avais aussi la messe quotidienne et des confessions « à la demande ». Là encore, j’ai toujours eu du monde à la messe. Il y a aussi eu beaucoup de « recommençant », des jeunes ayant laissé tomber la pratique religieuse, et soucieux de « raccrocher les wagons ».
Beaucoup de confessions et d’entretiens aussi durant cette mission.
La chapelle de Tora était sous le vocable de « Notre Dame des victoires », en lien avec la paroisse parisienne du même nom. Les religieuses de cette paroisse nous ont envoyé une réplique de la statue de Notre Dame des victoires, ainsi que de nombreuses images représentant cette statue. Ces images furent distribuées aux paroissiens, avec l’exhortation d’en prendre 2, une pour eux, et une à envoyer à la famille pour que durant les moments de prière devant cette image, l’un dans son box à Tora et l’autre dans la maison familiale en France, puissent se retrouver en communion spirituelle par l’intercession de la Sainte Vierge. Cette initiative fut très appréciée. Le GTIA suivant, (Bison), sachant qu’à mon retour j’allais à Paris remercier les religieuses de leurs attentions et Notre Dame des victoires de son soutien, me demanda d’envoyer des images supplémentaires pour qu’ils puissent aussi créer ce lien avec leurs familles. Ce que je fis, pour la plus grande joie des religieuses, heureuses d’aider ainsi les militaires français si attachés à cette paroisse.
Toujours dans le domaine spirituel, les 3 enterrements que j’eu à célébrer là-bas furent des moments très denses en rencontres, discussions, attentes et autre besoins spirituels de la part de nombreux légionnaires et hussards.
En plus des célébrations, les visites aux malades et aux blessés furent aussi de grands moments de communion entre l’attente du blessé et le Bon Dieu que représente à leurs yeux la présence du prêtre.
4. Impressions personnelles.
Je suis très heureux de cette mission.
Conclusion Générale :
Au terme de ce rapport, je réalise qu’il pourrait apparaître de manière diffuse que ma déception est que l’armée ne soit pas comme un bras armée de l’église ou un prolongement de sa doctrine. Il n’en est rien.
Le militaire n’est pas un « agent » de l’église catholique, et on ne peut attendre de lui qu’il soit tout entier aux affaires de l’Eglise. Ce n’est pas la mission que lui donne la France. De la même manière, la France ne lui donne pas la mission de se « déculotter » quasiment en permanence comme on le fait là bas face aux afghans et à l’islam. Et cela contre le plus élémentaire bon sens. La troupe, faisant appel justement à ce bon sens, finit même par avoir des discours tout à fait excessifs contre les populations locales, en réaction à la stratégie de séduction du système, stratégie stérile.
Une preuve encore de ce fait, quand un officier de la « STAT » venu pour les lances grenades à installer sur le VAB m’informa que cela faisait 4 fois en 4 ans qu’il venait en Afghanistan pendant un mois à chaque fois, je lui demandais s’il voyait depuis ces années une évolution. « Ho ! Oui », me répondit-il, «C’est très net, la situation se dégrade d’années en années » (no comment…)
La vigilance est donc plus que jamais nécessaire, pour l’aumônier, dans ces égarements successifs et répétés qui finissent par devenir comme une nouvelle norme.
Ce qui a construit notre pays sont les valeurs de la foi judéo-chrétienne. Ce qui construit le comportement des afghans est la haine de nos personnes et la violence contre nous… (cf. le coran, la charia, les hadiths, etc.)
Pour finir par une note d’humour, si à l’époque du pacte de Varsovie, on entendait « Ni rouges, ni morts », des légionnaires me faisaient remarquer qu’en gardant la même phonétique, on pourrait aussi affirmer : « Ni rouges, ni Maures ».